La conférence la plus intéressante ne débattait pas sur ce que nous pouvions faire pour retrouver celle-ci, mais pourquoi la croissance est d’une telle importance. Au cours des deux derniers siècles, le niveau de vie n’a cessé de croître sensiblement – tout particulièrement dans notre monde occidental. Certains se demandent donc pourquoi notre société ait encore besoin de conserver cette croissance. Ils affilient en réalité la « croissance » au consumérisme, au réchauffement climatique, la déprédation de la nature, etc. Il y a manifestement maldonne. On ne peut pas contester que sans croissance, aujourd’hui, nous n’aurions pas de supermarchés, ni d’obésité ou publicité à outrance. Néanmoins il nous faudrait également renoncer à l’idée de profiter de soins de santé, d’enseignement, de lois environnementales… C’est grâce à la croissance que nous pouvons de travailler bien moins qu’au début du XXe siècle. C’est aussi la croissance qui a rendu possible que la mortalité infantile n’ait jamais été si faible, qu’un réseau de transports a pu prendre son essor, que des pays pauvres peuvent soutenir l’enseignement, que la redistribution est réalisable grâce aux impôts sur le revenu. La croissance pour la croissance ne constitue pas un but, mais elle offre des possibilités. La croissance constitue un instrument permettant à des hommes, des entreprises ou des pays d’agrémenter leur sort. La manière de gérer cette croissance et de lister leurs priorités dépend par conséquent de leur choix particuliers. Dans certaines régions du monde comme l’Arabie saoudite, le développement du produit intérieur brut soutiendra sans doute l’édification de pistes de ski en plein désert, de somptueux centres commerciaux ou à l’apparition d’un circuit de Formule 1. Un pays tel que la Chine profitera sans doute d’une plus grande croissance pour racheter des terres fertiles à l’étranger, acquérir certains vignobles en France, investir dans la sécurité sociale ou faire construire un porte-avion. Un pays comme la Suède choisira de rehausser la protection sociale, de mettre en place une semaine de travail réduite ou de privilégier une plus grande protection de l’environnement. Aux États-Unis, une progression du PIB sera peut-être allouée au développement de la défense et à l’abaissement des impôts. La croissance n’est donc pas une finalité en soi : ce qui domine, c’est ce que cette croissance permet à la société. Le principe est le même pour les particuliers. Lorsque un homme s’améliore sur le plan financier, il est amené à former ses propres choix. Certains utiliseront ce pécule pour acheter plus de possessions ou une plus grande voiture, pour sortir faire la fête. D’autres opteront pour leurs enfants et petits-enfants. D’autres enfin s’achèteront des produits de qualité plus onéreux, apporteront leur aide à Amnesty International ou parraineront directement les pays défavorisés. On peut déplorer certains de ces choix. Nous pouvons avoir une idée concernant la manière d’utiliser cette prospérité nouvelle. Mais pour être en mesure de pratiquer ces choix, la croissance est indispensable. Qu’il s’agisse d’éducation, de soins de santé, de l’âge légal de départ à la retraite, de défense, de moins de pollution environnementale ou de subventions culturelles… Sans croissance, notre société ne peut pas innover. Ce séminaire à Saint-Malo a été passionnant de bout en bout.